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Vous dédiez Best Regards à Nigel Charnock, le cofondateur de la compagnie britannique DV8. Comment l’avez-vous rencontré et quelle était votre relation?
MARCO D’AGOSTIN: J’avais envie de danser depuis tout petit, mais je viens d’un village de la province italienne où dans les années 1990 il n’était pas possible d’imaginer de devenir danseur. Il n’y avait pas de gare, pas de cinéma, pas de théâtre. À 19 ans je suis arrivé à Bologne et j’ai commencé à danser sans le raconter à ma famille. Je pratiquais le ski de fond à un niveau professionnel et dansais depuis peu quand j’ai participé à un stage de Charnock à Bassano del Grappa, dans le nord de l’Italie. Plus tard je lui ai montré mon travail. On s’écrivait, je suis allé voir ses spectacles et il est venu me voir sur scène. Mais je n’ai jamais dansé dans une de ses pièces. L’idée était là, mais il est décédé avant que cela ne puisse se réaliser. Il avait 50 ans, il était très en forme, il était végétarien, il ne fumait pas. Dans un petit livre publié en Italie, un journaliste s’entretient avec Nigel qui dit: « Je pense souvent à la mort. J’aimerais bien exploser sur le plateau, en un nuage de paillettes. » Et puis il est mort d’une tumeur, en trois mois seulement. Vous avez fait la connaissance de Nigel Charnock en 2010 et il est décédé en 2012.

Que retenez-vous de votre rencontre?
M. D’A. : Nigel était danseur, acteur. Il aimait improviser, il chantait beaucoup et faisait de la musique. C’est pourquoi on le définissait souvent comme artiste transdisciplinaire. Mais pour lui, une telle définition n’avait pas lieu d’être. Il m’a appris que l’unique manière qui vaille, c'est d’aller sur le plateau pour utiliser toute l’énergie qu’on a, en chantant, en dansant, en parlant, en criant... À la fin, la seule chose qui compte est le partage de l’énergie entre l’artiste et le public. Il m’a donné un énorme espace de liberté qui a grandi encore plus depuis qu’il est mort.

De quelle manière comptez-vous le faire vivre sur scène?
M. D’A. : Je ne signe pas une pièce sur Nigel ou ma relation avec lui. Sur scène je cache plutôt nos biographies pour permettre aux spectateurs d’y projeter les leurs. Je veux simplement le faire exister en tant que fan- tôme. Depuis que j’ai commencé à travailler sur ce spectacle, j’ai même arrêté de regarder ses vidéos, puisque je ne voulais pas travailler sur les mouvements qui sont les siens. Best Regards est au contraire une célébration plutôt ironique et mélancolique du fait que quelqu’un qui part nous lègue un espace que nous pouvons remplir de vie. C’est en cela que mon solo concerne tout le monde.

D’où est venu le choix d’écrire Best Regards dans l’idée de ce que vous appelez une « lettre performative » ?
M. D’A. : Chaque fois que je dois dire quelque chose d’important à quelqu’un, je lui écris une lettre. Et j’ai commencé à étudier beau- coup de lettres. Pendant un an et demi, j’ai seulement lu des correspondances et des essais philosophiques à leur sujet. Aussi la pièce est en effet construite dans l’idée d’une lettre adressée à quelqu’un qui n’est pas là. Mais je le fais en m’adressant en permanence au public. Propos recueillis par Thomas Hahn

Danse

1214 juin 2025

MARCO D’AGOSTIN

Best Regards • Danse/Théâtre