Le mot tango est à l’origine le lieu où les négriers d’Afrique depuis la fin du XVIII °s parquaient les noirs avant leur embarquement pour l’Amérique du Sud, et alimentaient ainsi le commerce des esclaves. C’est là que serait née la musique de danse qui, peu à peu, copiant les images de la valse, créa « l’abrazo », c’est à dire la façon de tenir sa partenaire et d’évoluer par la suite, et qui envahit ainsi les maisons closes de Buenos Aires de Montevidéo, où les marins et les exilés adoptèrent peu à peu la musique qui allait être celle des tangos. Cette musique sera définie finalement par un instrument venu d’Allemagne, le bandonéon dû à Heinrich Band et sera importé par les migrants dès 1840 en Argentine. Puis le tango s’installera dans le Paris du début du XX°s s en devenant la musique et la danse des mauvais garçons et des jeunes bourgeois délurés de la capitale française. Ils illustreront le célèbre mot de Clemenceau : "On voit des figures qui s’ennuient et des derrières qui s’amusent. » Dès les années 1920 le tango prend un tempo plus lent et triomphe partout quand un jeune chanteur Charles Gardel, né à Toulouse d’une famille du Tarn, prendra à Buenos Aires le nom de Carlos Gardel que l’Unesco plus tard nommera « chanteur argentin né en France « et dont la voix sera déclarée « patrimoine de l’humanité ». Celui-ci installe dans le monde entier la musique comme un art distinct du mouvement de la danse. La brèche est ouverte et la musique s’impose très vite comme essentielle à l’image du jazz aux Etats Unis qui en fera un genre à part entière. Succédant aux musiciens de Rio, vont apparaitre de nouveaux talents tels Juan José Mosalini (le père de Juanjo), Gustavo Beytelmann ou Enzo Giéco, accompagnant un certain Astor Piazzola, né en Argentine mais vivant toute son enfance à New York, et qui s’inspirera de ses fréquentations heureuses des clubs de Harlem en participant aux rencontres agitées avec Gary Burton ou Gerry Mulligan et Lalo Shiffrin. Tout en exaltant le domaine de la séduction et de la nostalgie des faubourgs argentins il installe son imagination dans ce qu’il créée sous la forme d’un tango Nuevo, immédiatement honni par les gardiens de la tradition. Ne déviant pas de son ambition musicale Piazzola sera considéré par son temps comme un" compositeur classique du XX° s » pour avoir dissocié encore plus le tango de la danse en l’élevant au rang de « grande musique « notion toujours rejetées par les traditionalistes, provoquant des querelles sans fin, mais consacrant ainsi une nouvelle génération illustrée par le Tango Hoy qui élargira les notions de rythme, d’articulations et de formes dans l’écriture et la conception même de l’avant-garde du nouveau tango. « Si vous aimez notre musique, nous vous aimons. Si vous n’aimez pas notre musique, nous vous aimons aussi » Ces paroles peuvent être aujourd’hui signées du Cuarteto Mosalini Teruggi, car c’est la forte identité de leurs mélodies qui possède avant tout un caractère universel, sous les couleurs, les accents, les contrastes agressifs, les rythmes et leur virtuosité cinglante qui se distillent tout au long de l’enthousiasme de leur répertoire, affichant ainsi les sources inépuisables de leur inspiration. Ils sont les héritiers des grands maîtres, porteurs de cette double culture qui nous apporte non seulement le tango mais d’un seul coup un genre nouveau.

René Koering

PROGRAMME

In luna res Leonardo Teruggi
Obrigado Leonardo Teruggi
Febo Juanjo Mosalini
Hijos del canto Leonardo Teruggi
Tangueada Juan José Mosalini
Once Juanjo Mosalini
El yeite Juanjo Mosalini
Milonga del eco Leonardo Teruggi
Obsesivo Leonardo Teruggi
Amarrála Juanjo Mosalini
Procesión Leonardo Teruggi
Desconcierto Leonardo Teruggi
bis : En el aire Juanjo Mosalini