23 mars 2025
Norouz à la croisée des cultures
Mélodies persanes, chants kazakhs, musiques kirghizes et rythmes ouzbeks
Un concert exceptionnel où les musiques iraniennes, kazakhs, kirghizes et ouzbeks se mêlent pour célébrer Norouz.
IMPROVISATION SANTOUR
FARNAZ MODARRESIFAR, Santour
NILOUFAR MOHSENI, tombak
Farnaz Modarresifar, compositrice, santouriste et poétesse franco-iranienne, est née à Téhéran en 1989. Diplômée du Conservatoire national et de l'université de Téhéran, ou elle a obtenu un premier prix, elle est lauréate de nombreux concours nationaux et internationaux, tels que le prix Claude Arrieu de la SACEM (prix symphonique), le prix Alain louviers, le grand prix lycéen des compositeurs, ainsi que plusieurs distinctions et premiers prix en Iran. Lauréate de l'académie de l'orchestre de chambre de paris, ses œuvres ont été interprétées sous la direction de chefs renommes tels que Lars Vogt, dans des lieux prestigieux comme la philharmonie de paris, le théâtre du Châtelet et l’Opera de Reims. Installée à Paris, Farnaz a obtenu plusieurs diplômes et master en composition, improvisation et musicologie avec mention. Elle collabore avec des ensembles, des orchestres et des artistes renommes dont Bartabas et interprète les œuvres de compositeurs célèbres tels que Georges Aperghis ou Aurélien Dumont.
CHANTS ET LUTHS DES STEPPES : LA NOUVELLE GÉNÉRATION DE BARDES
ULJAN BAYBUSINOVA, chant, domba
La tradition musicale kazakhe est la représentation sublimée de son histoire, du mode de vie nomade et de ses espaces infinis, terres de chevauchées et de conquêtes fantastiques. Elle s’incarne dans la dombra, luth à long manche et à deux cordes, qui orne chaque maison kazakhe. Un proverbe dit : « Un vrai Kazakh n’est pas un Kazakh; le vrai Kazakh est la dombra ». Dans cet univers musical, une figure particulière émerge des temps passés : le zhyrau, chanteur épique. Le chant épique est une très ancienne tradition qui allie récits épiques, réflexions philosophiques et contes moraux. La particularité de ce chant, accompagnée à la dombra, est sa tonalité gutturale qui crée le lien entre le zhyrau et les ancêtres (aruakh).
Ulzhan Baïbusynova, originaire de la région de Kzyl-Orda au sud du Kazakhstan, est une des plus grandes zhyrau actuelles invitée à se produire autant au Kazakhstan que dans le monde entier. Son talent évident la fit très vite remarquer et elle reçut d’abord l’enseignement de Chamchat Tulepova (1930-2002), une des premières femmes à pratiquer cet art réservé aux hommes.
CONCERT MUSIQUE INSTRUMENTALE KIRGHISTES
ÈLEMAN & AÏBEK KANYBEKOV, Komuz
Le Kirghizstan, pays de montagne aux racines nomades, a une tradition musicale qui s’ancre dans de nombreuses légendes et épopées. Aux côtés d’un riche répertoire chanté et déclamé, l’art de l’instrument développa une virtuosité unique et incarna la relation spécifique des Kirghiz à la nature : les mélodies instrumentales, appelées kuï, sont associées à l’expérience des hautes montagnes, des rivières et torrents et à la cohabitation avec les animaux sauvages et domestiqués. Le kuï est une courte pièce qui explore une seule image musicale. Le motif du kuï se présente dans une perfection déjà atteinte qui ne nécessite pas de développement : l’instant se prolonge pour devenir éternité. L’instrument favori des Kirghiz est le komuz, luth à long manche monoxyle à trois cordes. Une légende narre la création de ce luth et la composition du premier kuï : Kambar était un chasseur réputé et connaissait toutes les voix des animaux et particulièrement des oiseaux. Il comprenait leur langage. Un jour, dans les montagnes, il entendit un chant inconnu et en fut étonné. Il se dirigea vers la source et aperçut un mouflon argali mort suite à une chute. Ses intestins à l’air avaient séché et la brise produisait ce chant nouveau. Kambar fabriqua alors le premier komuz, se servant des boyaux pour les trois cordes, et composa le premier kuï qui prit son nom. Les deux frères Èleman et Aïbek Kanybekov, jeunes komuzistes, incarnent la nouvelle génération.
CHANTS ET DANSES DE BOUKHARA
Musique traditionnelle ouzbèke
Zamira Aminova, Danse
Tuymorad Kodirov Chant, Tanbur, Doyra
Omid Temirov, Dotar, Rubab, Dorya
Rostamjan Tagaykulov, Dorya
Depuis le XVIIe siècle, la cour du khanat de Boukhara fut un haut-lieu du soufisme, où s’entremêlaient les cultures tadjikes, ouzbèke et juive. La musique y fut toujours célébrée dans ses formes savantes - dont le Shashmaqom symbole de l’identité culturelle de l’Ouzbékistan en est la quintessence - et dans ses airs festifs qui accompagnent les toy (fêtes rythmant la vie des Ouzbeks).
Lors de ce concert, les artistes vont recréer l’atmosphère d’un toy boukhariote, interprétant leur répertoire fétiche, le mavrigi (littéralement « de Merv », en référence aux Persans installés à Boukhara et originaires de la ville de Merv). Cette forme musicale persane fut appropriée par les musiciens de Boukhara qui y associèrent leur propre tradition pour donner naissance au XIXe siècle à un cycle de chants courts souvent accompagnés de danses. Le cycle débute par une pièce appelée « Shahd », de tonalité contemplative, associant le poème d’un hafiz (chanteur ou poète populaire) et des improvisations vocales. Le cycle repose sur un crescendo des chants lyriques, souvent sur des thèmes liés à l’amour, qui culmine en allegro vivace. L’essence du mavrigi est d’incarner le triomphe de la spiritualité, une harmonie des individus avec l’univers. L’ensemble Buhorcha se compose d’Omid Temirov et Tuymorad Kodirov - maîtres reconnus du tanbur (luth à long manche) et du dotar (luth à long manche) alliant virtuosité instrumentale et vocale - et de Rostamjan Tagaykulov un des plus flamboyants joueurs actuels de doyra (grand tambour sur cadre). Tous trois ont grandi dans des familles de musiciens avant d’étudier au conservatoire Muxtar Ashrafi de Boukhara. Imprégnés d’une tradition transmise de père en fils, ils perpétuent cette musique à laquelle ils ont dédié leur vie.
Lors des toy, la danse accompagne la musique et révèle une tradition complexe et expressive. Zamira Aminova, danseuse à la grâce unique, préserve le style ancestral boukhariote marqué par la puissance, des mouvements rapides et la richesse de ses éclats, rotations et positions. Le cycle du mavrigi repose sur les changements de rythmes, offrant une place centrale à la danse. Toute danse commence avec les bras, la séquence des mouvements changeant en fonction du type de danse et du lieu où elle est exécutée. Deux types sont particulièrement réputés : zamin bozi (littéralement « danse de la terre »), lorsque la danseuse effectue tous les mouvements à genoux afin d’amener les doigts à toucher le sol ; larzon (littéralement « agiter les paumes »), pratiquée pieds nus et consistant à mouvoir toutes les parties du corps telles les flammes d’un feu incandescent.
Xavier Hallez