Expérience de la métamorphose
C’est l’histoire d’une rencontre et d’un cheminement. Entre Clint Lutes, chorégraphe interprète, et les patients de l’association Les ailes déployées du site de la rue de Liège, dans le 8e arrondissement de Paris. Cela fait longtemps que Clint a choisi de consacrer sa pratique professionnelle à la « danse inclusive » qui met les personnes en situation de fragilité, sociale ou de santé, au cœur d’une approche innovante et respectueuse.
Il y a eu un premier échange et une proposition. On découvre ensemble la danse dans son propre corps et celui des autres. A son rythme et avec ses désirs. Mais il y aurait aussi le pari d’inventer une chorégraphie, de l’apprendre et de la restituer devant un public. Les images délicates et sensibles de Xavier Simon témoignent de ce processus, aussi bien à mi-parcours que dans la restitution finale, par un beau jour de juin. Un document infiniment précieux pour prendre la mesure du chemin parcouru.
Il y a d’abord le travail d’approche et de répétition. L’exploration de techniques de jeu, l’investigation de l’imaginaire et du fantasme, la découverte de son intériorité et de l’espace. L’appréhension des gestes et des déplacements du quotidien depuis une autre perspective, en jouant avec la notion d’intérieur et d’extérieur, en étant seul ou ensemble. Une invitation à « dévoiler et se dévoiler par le corps, par les mots, par l'espace » selon les suggestions de Clint qui a aussi accompagné les participants à des spectacles pour nourrir leur créativité et aviver leur curiosité.
L’apprentissage en atelier révèle une petite communauté de patients et de soignants active comme une ruche. On expérimente toutes formes et phrases chorégraphiques. Des tracés les plus intimes et intériorisés aux rythmes les plus saccadés et déjantés en se laissant porter par la musique. On danse avec un partenaire ou avec des objets, réels ou imaginaires.
Le jour de la restitution est un grand jour. Il célèbre la métamorphose. Les corps et les esprits sont imprégnés de cet apprentissage du rapport à soi puis à l’autre, aux autres, de la crainte puis du bonheur d’aller vers le public. Respirer. Se présenter et s’applaudir. Ce sera une grande fête collective. En réalisant quelque chose dont ils sont fiers, ils ont aussi vécu, et fait vivre, un moment de toute beauté dont il reste une trace.
Marina Da Silva