Jonglages et sortilèges
Entre le jonglage et la magie, il y a plus d’un point commun qu’explore pour nous Sean Gandini, fondateur avec Kati Ylä-Hokkala de Gandini Juggling.
Quel est le coeur de cette nouvelle création ?
SEAN GANDINI : La magie. Quand j’étais enfant j’adorais ça, je voulais être magicien. Ce qui me plaisait c’était l’entraînement, de répéter les gestes. Mais ensuite dans les tours de magie, on cache cet aspect et cela me frustrait beaucoup.
Comment la magie arrive-t-elle dans votre univers ?
S. G.: La première partie est inspirée de l’univers de Yann Frisch, c’est un peu comme s’il y avait six Yann en même temps au plateau. Ce qui est drôle avec Yann, c’est qu’il a le parcours inverse du mien, il est passé du jonglage et du clown à la magie. Nous nous sommes inspirés d’un de ses premiers numéros sur table, Baltass, avec lequel il a tourné dans le monde entier et gagné des prix. Il nous a transmis sa technique, d’ailleurs proche du jonglage. Notre idée était de nous approprier les gestes de ce numéro, non comme de la magie. Les autres parties proviennent d’idées expérimentales du Finlandais Kalle Nio. C’est une magie proche des arts visuels, de la performance. Là encore, ce qui nous intéresse, c’est le geste. Même la magie la plus naturelle est très stylisée.
En ce sens, la magie est assez chorégraphique ?
S. G. : Oui, mais dans la magie classique la chorégraphie est parfois limitée et sexiste. C’est un milieu où il n’y a pratiquement que des hommes et une véritable obsession pour le fait de transpercer des femmes, de les couper en morceaux. Une bien étrange obsession ! Dans Heka, il n’y a presque que des femmes sur scène et nous nous moquons de ce côté très conventionnel. Heka est la déesse égyptienne de la magie. Les premières représentations du jonglage proviennent d’une sépulture égyptienne où on voit trois femmes de profil avec des balles. La magie, qui traverse toute les époques et existe un peu partout n’est pourtant pas considéré comme un art noble… Il y a une phrase qui dit « le magicien c’est un acteur qui joue le rôle d’un magicien ». Robert Houdin, père de la magie moderne, ajoute « ce n’est pas un jongleur ». Dans la magie, dès le départ, il y a supercherie. Le jonglage, c’est la danse des objets dans l’espace. Nous y avons intégré la chute, alors que dans la magie, il n'y a pas de place pour l’erreur.
Propos recueillis par Maïa Bouteillet