Le corps est politique
Comment êtes-vous venu à la danse contemporaine et la chorégraphie ?
ADI BOUTROUS: Quand j’avais neuf ans environ, dans ma ville natale Be’er sheva, dans le sud d’israël, je pratiquais l’acrobatie et plus tard la Break danse, de façon informelle et libre. j’aimais me sentir proche de mon corps et sentir sa flexibilité et sa force. À dix-huit ans, j’ai entamé une vraie formation quotidienne de trois ans en danse classique et contemporaine, à la Maspa – Matte asher school for performing arts à Kibbutz Gaaton, puis au Maslool-professional dance program à tel aviv-jaffa. À vingt-deux ans, j’ai commencé à travailler comme danseur et chorégraphe indépendant. la vie m’a offert la danse, et je l’ai acceptée. Mais à côté de mon travail de chorégraphe, je suis un dj et collectionneur de vinyles, spécialisé dans les musiques latino-américaines et le reggae des années 1970. j’essaye de faire chaque année un voyage dans ces régions pour agrandir ma collection.
Submission est composée d’un duo masculin et d’un duo féminin. Que représentent ces deux parties ?
A. B. : en 2016, j’ai créé le duo It’s always here, avec Avshalom Latucha. jusque-là mes créations évoquaient des questions sociopolitiques et mon expérience de citoyen israélien de culture arabe. il faut savoir qu’israël compte 21 % de citoyens arabes. et pourtant nous n’étions que deux professionnels dans la danse contemporaine en israël ! Cette situation m’a naturellement conditionné pour en faire un thème et développer un discours. Mais avec It’s always here, je voulais laisser tout ça de côté, enfinir avec les discours et mettre l’accent sur le corps. et puis, c’est devenu, à mon sens, ma pièce la plus politique. Ce duo concerne tous les aspects de ma vie au quotidien.
Quelles sont vos intentions avec Submission?
A.B. : Claire Verlet du Théâtre de la Ville a vu cette forme brève et m’a demandé de créer une soirée complète. Ce qui a généré l’idée de mettre mon duo avec Latucha face à un duo féminin. le titre Submission signifie pour moi une injonction à accepter ce que la vie m’apporte en termes de sentiments et de changements. la pièce parle des genres, du regard sur la femme et sur l’homme, à la scène comme à la ville. Quelle danse attendons-nous de la femme, quels en sont les symboles ? si la femme se doit d’être aérienne ou maternelle ou de représenter la nature, l’homme joue de sa force et de sa complexité cinétique. nous élargissons ces assignations. la partie féminine est très physique, avec beaucoup de manipulations du corps de l’autre, alors que les hommes créent beaucoup de proximité entre eux.
Est-ce donc la même chorégraphie chez les hommes et les femmes ?
A.B. : Non, même si le duo féminin doit son existence à la première partie. nous devions au contraire nous surveiller pour ne pas copier sur le duo masculin ou lui répondre explicitement, d’autant plus que les deux interprètes féminines étaient déjà proches de la création d’It’s always here, anat vaadia en tant que dramaturge et Stav Struz puisqu’elle est ma compagne. je voulais quele duo féminin soit une pièce totalement indépendante, pouvant aussi être donnée sans la première partie. la femme n’est pas l’écho de l’homme !
Propos recueillis et traduits de l’anglais par Thomas Hahn